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BALAOO

C’est à ton tour d’emporter le blanc lys dans tes bras, avec beaucoup de précautions dignes d’une nourrice de petits d’hommes, par le seigneur dieu Patti Palang-Kaing ! …

Et tu as étendu le lys sur la fraîcheur du lit de feuilles sèches de ta demeure solitaire du Grand Hêtre de Pierrefeu !… Que Patti Palang-Kaing qui veille sur les cœurs sincères, du haut de son trône de la forêt de Bandang, et qui récompense les belles batailles de la forêt… que Patti Palang-Kaing soit béni, puisqu’il a béni ta demeure, ô Balaoo !…

Tel avait été ce dernier épisode, sanglant, tragique, héroïque et beau comme l’antique.

Ce n’est point avec sa pauvre voix si fragile, avec le souffle pâle de son haleine de lys expirant, que Madeleine a pu raconter d’aussi retentissants hauts faits à Coriolis qui pleure. Mais les quelques mots qu’elle lui dit à l’oreille et ce qu’il a vu : les cadavres et les blessures de l’humble Balaoo, tout cela lui fait comprendre le drame, le fait sangloter d’allégresse et fait bondir son cœur d’orgueil, car Madeleine est sauve et Balaoo a agi comme un de la Race au temps des chevaliers sans peur et sans reproches.

Balaoo détourne toujours la tête au seuil de sa demeure forestière, pour qu’on ne voie pas ses yeux rudes pleins de larmes.

Madeleine dit, en soupirant :

— Il faut bien lui demander pardon très fort ! Nous avons eu tort de ne pas le traiter comme un de la Race. Il m’a dit : « Je voulais te revoir encore, Madeleine, avant ton départ avec le mari de ta race. Que croyais-tu donc et que craignais-tu ? Un qui a des doigts de souliers sera toujours l’excellent ami de la fille des hommes et, si tu