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BALAOO

la plaine et au seuil de l’aurore. L’image de Madeleine vivait au fond de ce cerveau de brute et, s’il en était arrivé à ne plus prononcer un mot, à ne plus répondre à l’appel de ses frères, c’est qu’il ne cessait de converser avec l’image de Madeleine et de lui dire des choses qui ne devaient être confiées à personne.

En errant avec ses frères comme un chacal autour des villages qu’ils terrorisaient encore, par périodes, de leurs rapines, Élie fut mis au courant du retour prochain de Madeleine à Clermont avec son jeune époux.

Il ne dit rien à ses frères, se rendit à Clermont, vint se renseigner dans le voisinage de la rue de l’Écu et remonta jusqu’à Moulins.

Son but était d’enlever Madeleine avant son arrivée dans le chef-lieu du Puy-de-Dôme.

Là, il lui eût peut-être fallu renoncer à son sinistre projet. Tandis que, s’il ravissait Madeleine en pleine campagne, il se faisait fort, ne voyageant avec sa proie que de nuit, de regagner le repaire de la forêt sans être inquiété.

Monter dans le train et profiter d’un arrêt à une station secondaire, ou même du ralentissement du convoi à certains passages qu’il connaissait, et bondir dans la nuit avec la jeune femme dans ses bras, tel était le plan extrêmement simple que pouvait concevoir son cerveau de brute.

Les événements se chargèrent encore de simplifier les choses.

À Moulins, il vit descendre du convoi Madeleine et Patrice.

C’est tout juste s’il eut la force de se retenir de la saisir, là, sur le quai ; au milieu des voyageurs. Si elle n’avait passé si vite, au bras de Patrice, peut-être aurait-il tenté