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BALAOO

Ses appels, sur les toits de l’hôtel de ville, étaient surtout des avertissements, des prières de fuir !…

Du moment qu’il ne s’agissait plus de tuer Balaoo, Coriolis allait l’appeler autrement… et, en effet, il cessa de lui adresser un appel d’homme. Et il lui cria en langage singe :

— Touroo ! Touroo ! Touroo ! (tout va bien) Gooot ! (viens) Woop ! (je t’en prie).

Aussitôt, on vit, entre deux planches de l’échafaudage, le monstre qui avançait prudemment la tête, considérait anxieusement cette foule innombrable et, en ce moment, silencieuse.

Tant de silence, après un tel tumulte, semblait le surprendre et l’inquiéter. Il assura, d’un geste hésitant, son monocle dans l’arcade sourcilière, et se pencha davantage, presque de tout son corps au-dessus du groupe d’où lui venaient les mots amis de la langue de sa race : « Touroo ! Goooot ! Woop ! »

Et pan ! le coup partit ! le coup de la carabine à balle explosible de Barthuiset, le tueur de lions.

Un immense, prodigieux, prolongé cri, fait de milliers de milliers de clameurs, monta de la ville, du pavé de la ville délivrée.

L’anthropoïde avait basculé et venait, à son tour, s’abattre au pied de ces murailles dont il avait été l’effroi.

Mais il tomba sur un massif de terre molle et ne succomba qu’au bout de quelques minutes.

Alors, les hommes de la ville purent entendre l’agonie du singe, du grand singe anthropoïde, du grand ancêtre, telle qu’on l’entend au fond des forêts équatoriales et telle qu’elle existe dans le corps mourant de ces mysté-