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BALAOO

« La rue Royale était hier soir en émoi : un chauffeur d’auto, qui avait été victime des fantaisies du faux maharajah, le reconnut à la terrasse du café Durand où il buvait tranquillement un bock avec la sérénité d’une honnête conscience. Aussitôt le chauffeur arrêta sa voiture au ras du trottoir et se précipita sur son altesse pseudo-hindoue, lui réclamant le prix d’une nuit d’automobile à travers les mes les plus gaies de la Capitale ; mais, sans doute, le maharajah d’on ne sait plus quel Karpurthagra avait-il, lui aussi, reconnu son chauffeur, car il s’empressa de quitter la terrasse et de lâcher son bock, en oubliant naturellement de le payer. Les garçons se joignirent au chauffeur dont les cris eurent vite fait d’ameuter les badauds. Les gardiens de la paix accoururent, et notre maharajah aurait infailliblement passé la nuit au poste, si, par un mystère de gymnastique qui reste à expliquer, il ne s’était enfui dans le feuillage déjà touffu des arbres du boulevard où il fut impossible de le retrouver. »

Cette manière toute personnelle qu’avait le faux maharajah de Karpurthagra de se dérober à toutes les poursuites devait avoir pour conséquence de faire naître dans l’esprit de M. Massepain et de ses amis un rapprochement tout naturel entre cet étrange personnage et le singulier visiteur du café de Mouilly. Il n’y a pas tant de gens à Paris capables de se sauver dans les arbres. Enfin, il se trouva une feuille du quartier Latin pour émettre cette hypothèse qu’il devait y avoir une corrélation entre les faits du boulevard Saint-Germain, de la rue Royale, et l’escalade des murailles, grilles, gouttières et gargouilles du musée de Cluny.

Les journaux eurent tôt fait de mettre tous les événements bizarres qui s’étaient passés depuis quelques mois