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BALAOO

pantagruélique, quand un incident des plus ridicules et des plus funestes vint tout bouleverser.

« Un farceur (était-ce bien un farceur ? on ne sait, en vérité, quel nom donner à ce sinistre plaisant), enfin, un individu que l’on n’a pu reconnaître, tant il s’était si bien fait une étrange tête de prince Charles à monocle, se présenta à l’entrée des salons, demandant à dire deux mots à la mariée. Son allure était si bizarre et l’agitation de tout son inquiétant personnage si menaçante que les domestiques le consignèrent dans le vestibule et allèrent prévenir aussitôt M. Massepain qui se leva et vint très étonné aux renseignements.

« Le sympathique ténor se trouva en face d’un visiteur qui ne voulut point donner son nom et qui, sans s’arrêter une seconde de remuer, de se balancer, de se dandiner, dans une imitation grotesque de Prince Charles des Folies-Bergère, déclara qu’il ne s’en irait pas tant qu’il n’aurait pas dit deux mots à la mariée. Il ajouta (ce qui fit rire, du reste, tous ceux qui l’écoutaient), en aspirant l’air grossièrement : « Ah ! je sais bien qu’elle est ici ! ça sent la fleur d’oranger !  »

« M. Massepain, légèrement impatienté par un genre de plaisanterie qui menaçait de se prolonger, voulut prendre le bras de son interlocuteur, mais il fut repoussé avec tant de brutalité que des cris indignés partirent aussitôt du groupe d’invités qui étaient venus le rejoindre. Certains voulurent intervenir et secouer d’importance le malotru ; mais M. Massepain les écarta et, s’avançant vers le personnage qui tournait dans le vestibule comme un ours dans sa cage : « Monsieur, lui dit-il, je ne sais pas qui vous êtes ! — Moi, non plus, répondit l’autre, mais je sais que la mariée est là. Quand je lui aurai parlé, je m’en