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BALAOO

et cela leur parut plus effrayant que de l’avoir en face d’eux, dînant sournoisement à une table de wagon-restaurant, faisant hypocritement tous les gestes d’un de la Race qui commande son repas, cependant qu’en-dessous se préparent, pour le bondissement assassin, les bons jarrets d’Un de la forêt de Bandang !… Patrice et Madeleine se retirèrent anéantis dans leur compartiment hâtivement fermé, verrouillé, mais si peu défendu contre l’entreprise d’un Balaoo. La jeune femme ne se faisait plus aucune illusion : puisque sa voix avait été impuissante jusque dans la prière, ils étaient à la merci du monstre. Qu’allait-il advenir d’eux, avec cette pensée abominable de l’anthropopithèque autour d’eux ? Ils pensaient que chacun de leurs gestes était épié, d’un endroit qu’ils ne pouvaient découvrir, mais où avait bien su se réfugier la malice d’un anthropoïde.

Yeux hagards de Patrice et de Madeleine, en haut, en bas, autour. Où est-il ? C’est épouvantable de ne pas savoir où il est, car ils sentent ses yeux…

Le train va à une vitesse qui leur ferait peur s’ils pouvaient avoir peur, en ce moment, d’autre chose que des yeux qui les regardent… Ils se rapprochent peu à peu, inconsciemment, instinctivement, l’un de l’autre… Ils s’entourent de leurs bras timides et ils frissonnent éperdument sous le regard qui les tue… Le train brûle toutes les stations avec des sifflements qui déchirent les voiles noirs de la nuit comme de la soie. Quelquefois le train fait un bruit de tonnerre… C’est qu’il passe sous un tunnel… justement voilà le bruit du tonnerre, dans le moment qu’ils ont le plus peur !… Et alors ! et alors !… ils aperçoivent les yeux qui les regardent… derrière la glace !… la glace de la portière toute noire, sous le tunnel et for-