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BALAOO

quant d’air, pâmée. Il ne la voit même pas, mais il termine sa pensée : « Nous nous retrouverons tous en Cour d’Assises… Ton père est un assass… ».

Quelque chose lui roule entre les jambes, comme un bagage tombé du « filet ». C’est le corps blanc de Madeleine que ballottent les cahots du train d’Auvergne.

— Le dîner est servi ! lance dans le couloir du wagon la voix du maître d’hôtel. Une glace baissée, de l’air, des sels, un corsage entr’ouvert, des baisers et des pleurs, et Madeleine revient à elle.

— Ô Madeleine chérie ! pourquoi ne m’avoir point parlé de ces terribles choses plus tôt ?

— Mon amour ! mon amour ! je te jure que, si j’avais pu songer une seconde que cet horrible Balaoo fût capable de commettre les crimes dont a parlé Zoé, je t’aurais tout dit avant d’accepter d’être ta femme ! Et si j’avais cru qu’il les eût commis, j’aurais refusé ta main ! Mais je ne crois pas, non, je ne crois pas ce que dit Zoé. Zoé a voulu se venger de Balaoo. Je n’aurais pas pensé cela d’elle !

— Mais elle a dit qu’il a encore tué quelqu’un que vous savez bien ?

— Oh ! cela, c’est quand il était tout jeune et ça a été un accident. Il a serré trop fort au cou un monsieur qui en est mort. Balaoo ne connaît pas la force de sa main. Il a une main d’assassin sans le savoir. Mon amour, il ne faut pas croire ce que dit Zoé… Balaoo n’a commis qu’un homicide par imprudence…, ça peut arriver à tout le monde… Maintenant, depuis qu’il est à Paris, il sait qu’il ne doit plus toucher aux cous d’hommes avec sa main terrible… Il sait ce qu’il en coûte… Papa l’a mené voir une exécution capitale, et il en est revenu tout à fait im-