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BALAOO

dans les tiroirs de la commode ; coups de pied partout, pan ! pan ! pan ! dans la porte, quand je lui parle derrière la porte pour lui demander ce qu’il a et qu’il me répond que les femmes d’hommes le dégoûtent et que Patti Palang-Kaing lui a défendu de se marier avec les femmes d’hommes, « mais que la loi de la forêt de Bandang ne défend pas à M. Noël d’assister d’une aussi belle cérémonie, quand il n’y va pas de son honneur !  » Des misères, des misères !… tout ce qu’il m’a dit !… Et que je n’avais pas besoin de m’habiller en Parisienne, que je ne serais jamais aussi belle qu’une guenon des huttes des marécages ! Enfin !… le plus terrible était (je le regardais aller et venir par le trou de la serrure) qu’il courait à chaque instant à la fenêtre, tout en s’habillant, comme s’il guettait quelque chose dans la rue…

Comme il venait de jeter, par la fenêtre, une paire de chaussures, cette fois, je lui ai demandé ce qu’il avait : il m’a répondu d’une voix terrible (que j’aurai toujours dans les oreilles, même si je vivais mille ans, bien sûr)… il m’a répondu d’une voix terrible : « Est-ce que ça ne sent pas la fleur d’oranger ?  »

— Pardon ! interrompit encore Patrice, pardon, mon oncle, si je ne comprends pas très bien !

Mais Patrice en resta là, épouvanté par l’accès de fureur de Coriolis, lequel secouait avec une honteuse violence les breloques de la vieille Gertrude.

L’oncle ne pardonnait point à la servante d’avoir éveillé le flair de M. Noël avec une fleur qui n’aurait rien senti du tout si Gertrude ne s’était imaginé de l’offrir naturelle.

— Et après ? demanda-t-il rageusement à Zoé, quand il se fut un peu calmé, sous les objurgations de Madeleine.