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BALAOO

deux hommes étaient horriblement sales, mais les deux femmes avaient miraculeusement traversé cette poussière sans en rien garder sur elles. L’oncle secouait déjà son neveu, non point pour le brosser, mais pour qu’il hâtât le pas. Il avait pris la tête de l’expédition et ne se retournait que pour jeter à mi-voix : « Vite ! vite ! » Il marchait le dos courbé et rasait la muraille comme quelqu’un qui veut se dissimuler. Le plus extraordinaire était que Madeleine et Gertrude imitaient cette étrange attitude. Les deux femmes avaient ramassé leurs jupes et trottinaient en effaçant les épaules.

Patrice essayait en vain d’obtenir une explication : il semblait qu’on n’eût point le temps de lui répondre, et, s’il s’arrêtait, tantôt l’oncle, tantôt Madeleine, tantôt Gertrude, le tiraient par la main comme un enfant paresseux qu’il y a du danger à laisser derrière soi.

— Quelle drôle de noce ! pensait le jeune homme. À nous voir, on dirait une fuite de suspects, qui tentent d’échapper, pendant la Terreur, aux agents du Comité de salut public.

Enfin, par des chemins étrangement détournés, on arriva à la mairie. Certainement si Patrice n’avait pris la précaution, la veille, de songer aux pauvres de M. le Maire, celui-ci ne l’aurait point si longtemps attendu. La cérémonie fut bâclée, comme on dit, en cinq secs. Coriolis avait dit à Patrice : « Ne t’occupe point des témoins, j’ai notre affaire ! »

En effet, le savetier, le concierge, le commissionnaire du coin et leurs amis ne manquèrent point au rendez-vous. Dès l’arrivée de ces messieurs, Madeleine laissa tomber le sombre vêtement qui cachait sa grâce, sa fraîcheur et sa jeunesse ; et Patrice eût pu penser qu’elle ne s’é-