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BALAOO

la jeune épouse, enveloppée d’une mante sombre et encapuchonnée d’une capeline qui devaient lui servir pour accompagner Gertrude au marché, les jours de pluie.

Après avoir reculé, Patrice avança. Cette fois, s’il tremblait, c’était de rage. Il était prêt à mettre en pièces les vêtements, l’oncle, la nièce et Gertrude. Mais, comme apparaîtrait tout à coup, dans le ciel d’orage le plus noir, un rayon de soleil, le sourire de Madeleine brilla sous la capeline, en même temps que le manteau s’entr’ouvrait pour laisser voir la plus jolie petite mariée que Patrice eût pu jamais imaginer, même en rêve, cependant qu’une aimable odeur de fleurs d’oranger naturelles — cadeau de Gertrude qui en avait couronné le front de sa jeune maîtresse — se répandait dans la pièce.

Patrice tomba aux genoux de Madeleine et embrassa ses adorables petits pieds qui, chaussés de satin blanc, se dissimulaient dans d’humbles sandales en caoutchouc. Le malheureux jeune homme sanglotait.

— Pourquoi, dit-il au milieu de ses larmes, pourquoi me faites-vous ainsi souffrir ? Me le direz-vous enfin ?

Ce fut Coriolis qui le releva et le serra sur son cœur :

— Madeleine te le dira, mon enfant, fit le vieillard dont l’émotion était à son comble… Oui, Madeleine te dira tout et tu nous pardonneras. Allons ! embrasse ta femme, Patrice, et courons chez le maire. C’est vrai que nous sommes en retard. Finissons-en !

— Oh ! oui ! que tout cela finisse ! prononça à voix basse Madeleine en mouillant à son tour de ses pleurs les bonnes joues de Patrice… que tout cela finisse !

Patrice, dit, sincère, en se mouchant :

— Moi ! je ne demande pas mieux !

Et il crut devoir ajouter, lyrique :