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BALAOO

chez Maxim, dit Gabriel. Est-ce qu’il y a des chiens ?

— Non ; mais tu ne pourras pas boire avec tes doigts.

Balaoo, au commencement, s’était bien promis d’entreprendre l’éducation parfaite de Gabriel, mais ça n’avait été là qu’une velléité de son imagination complaisante. Et quand ils étaient sûrs d’être tout seuls, dans l’ombre d’une terrasse, le chapeau sur les yeux, ils buvaient tout de suite leurs bocks avec leurs doigts, tous les deux, (on trempe ses doigts dans le verre et on suce). Ça soulageait Balaoo de bien des contraintes.

Sur cette terrasse du Châtelet, tout alla bien jusqu’à l’arrivée du marchand de cacaouettes.

Balaoo eut la douleur de voir Gabriel bondir sur cet honnête homme et lui ravir, en un tour de main, sa marchandise.

Fou d’épouvante, le marchand de cacaouettes, qui avait cru sa dernière heure venue, se contenta de se ramasser du ruisseau où il avait roulé et de se sauver à toutes jambes à la recherche d’un sergent de ville.

Il en trouva un qu’il amena à pas lents, jusqu’à la terrasse du café où le drame venait de se dérouler.

Les paisibles clients, effarés, lui apprirent que son voleur était parti avec un monsieur qui avait déclaré qu’« il répondait de tout », mais qui n’avait pas payé les consommations.

Quant aux garçons qui avaient réclamé leur dû, ils déclaraient avoir eu la sensation bien nette que ce client indélicat allait les mordre.

Pendant que « Monsieur l’agent », tout en prenant des notes sur son calepin, conseillait à ces gens de parler « chacun son tour » et que le plaignant se lamentait sur une marchandise qu’il ne devait plus jamais revoir,