Page:Leroux - Balaoo, 1912.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
271
BALAOO

n’être dérangés par personne. C’est là que Balaoo, bien avant de risquer les premiers pas de Gabriel dans la nuit d’hommes, avait fait ses dernières recommandations et donné ses suprêmes leçons de maintien devant une glace à trumeaux qui datait de Mme de Pompadour.

Et c’est au fond d’un vieux placard où Cuvier avait peut-être jadis mis ses hardes que Balaoo avait suspendu le complet veston fort correct dont il avait fait cadeau à Gabriel et dont celui-ci se vêtait toujours orgueilleusement, avant leurs escapades.

Ils pénétraient là dedans par des moyens à eux, des moyens de fenêtres et de gouttières.

Et ils en sortaient sans se salir.

Balaoo n’était plus le voyou du grand hêtre de Pierrefeu qui revenait à la maison d’hommes avec un fond de pantalon déchiré. Son pantalon, en dépit de tous ses exercices, n’avait jamais d’autre pli que celui qu’il fallait. Et Balaoo tenait à ce que Gabriel eût autant de soin que lui-même de « ses affaires ».

Tous deux portaient aussi le petit chapeau mou de feutre noir qui était alors à la mode. Enfin, Balaoo avait fait don à Gabriel d’une magnifique paire de lunettes. L’un avec son monocle, l’autre avec ses lunettes, pouvaient aller dans le monde sans craintes d’avanies.

Mais il fallait se méfier des chiens.

Balaoo et Gabriel, derrière la grille d’entrée qui donne en face de la Pitié, vêtus convenablement comme des jeunes d’hommes, attendent sans se presser que ça ne sente plus le gardien de la paix.

Soudain : « Allons-y », fait Balaoo. Deux temps, trois mouvements, la grille est franchie. Mais ils ne s’attardent pas. En trois bonds ils sont dans la rue Lacépède. Là, ils