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BALAOO

du haut en bas, sans déchoir, mais il ne peut pas fréquenter ça !…

Si, lui, anthropopithèque de la forêt de Bandang, faisait une chose pareille, aucun anthropoïde oriental ne le lui pardonnerait, et Gabriel lui cracherait au visage, en apprenant une chose pareille… carrément !

Balaoo, après être allé dire bonsoir aux fouines et avoir exploré les alentours et promené son odeur de fouine, est revenu à la maison des féroces.

Rien qu’à la façon dont il tourne la clef dans la serrure, ils savent que c’est lui ! Et il y a du remue-ménage dans les cages, avant même qu’il ait fait le premier pas dans le corridor. S’ils se sont promis, ce soir, un bon palabre avec Balaoo qui leur raconte toujours des histoires extraordinaires d’hommes, ils se sont trompés. La visite est courte. C’est à peine si on a le temps de se dire « bonjour, bonsoir ». Et Balaoo ressort, avec un camarade à peu près de sa taille, qu’il tient par la main.

C’est Gabriel, le grand chimpanzé oriental.

Entre eux d’abord nulle parole.

Gabriel voit bien, à l’air et au silence de Balaoo, que son ami est triste et a de la peine.

Gabriel, doucement, serre la main de Balaoo pour lui faire comprendre que, sans savoir, il compatit à son chagrin. Au tournant des otaries, Gabriel veut poser une question, mais Balaoo lui ferme la bouche d’un bref et impatient : Woop ! (je t’en prie, tais-toi ! ) Et Gabriel, voyant son ami d’une humeur si désolée, lui serre encore la main fort… fort…

« Tourôô ! c’est bon la main d’un ami ! » pensa Balaoo.

Balaoo n’avait pas d’ami parmi les hommes, pas de camarades. Il redoutait leur familiarité comme le plus grand