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BALAOO

Et rends-moi mes palétuviers
Et mes doigts de mains sans souliers !…

Pauvre Balaoo ! Heureusement qu’il lui reste Gabriel pour le consoler, Gabriel qui l’attend !

Mais il ne faut rien tenter avant l’heure de la fin de ronde. Elle sonne. Balaoo essuie avec son mouchoir ses yeux humides, et il crache dans ses mains (chose qu’il ne faisait jamais avant d’avoir vu les gymnastes des music-halls), et, grâce à un rétablissement des reins bien méticuleux pour ne pas froisser le plastron de sa chemise, le voilà à l’intérieur du Jardin des Plantes.

Balaoo n’a peur, sur toute la terre, que des chiens.

Il ne redoute plus la ronde d’homme dont l’heure est passée, mais il craint le réveil, là-bas, des chiens qui le sentent venir jusque dans leur sommeil. Heureusement qu’ils sont à l’attache dans la petite cour près de la ménagerie. Tout de même, il faut combattre l’odeur. Mais Balaoo a un bon truc qui lui a toujours réussi quand il va en visite, chez ses amis, la nuit. Il va d’abord saluer les fouines, dans les rotondes de sortie, et, en sortant de là, il pue la fouine à plein nez. Alors il peut se promener partout et s’approcher autant qu’il veut des bâtiments gardés par les chiens. L’odeur de fouine ne fait pas aboyer. C’est une odeur naturelle au Jardin des Plantes. Tandis que l’odeur d’homme et l’odeur d’anthropopithèque (c’est la même chose, pense Balaoo) font aboyer les chiens.

Balaoo sait où sont pendues les clefs des maisons de ses amis, dans la demeure d’homme, tout près d’un petit vasistas que l’on n’a qu’à pousser. Et puis on n’a qu’à avancer la main. Il n’y a aucun danger.