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BALAOO

de « saloperie ! » ; mais il apprit à ses dépens que ce qui était permis à Balaoo ne l’était pas toujours à un général Captain. Il reçut une râclée de coups de pincettes qu’il accompagna de tels cris que Madeleine descendit.

— Qu’est-ce que tu as ? demanda-t-elle, anxieuse, à Gertrude, tu as encore pleuré ?

— Oui.

— Balaoo ?… se doute-t-il de quelque chose ?…

— Bien sûr qu’il se doute… Ah ! ça va être terrible !…

— Terrible ! répéta Madeleine, pensive.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Pendant ce temps, le triste Balaoo, les mains enfoncées dans les poches de son pardessus, sa badine sous le bras, le front penché vers la terre, les épaules courbées, glissait comme une ombre dans les rues désertes, voyageant dans son rêve intérieur.

Il descendit, par des voies dérobées, vers la Seine et remonta le cours de l’eau. À sa droite, il avait les lugubres bâtisses de la Halle aux Vins.

Que venait faire son smoking dans ce désert sinistre ?

Eh ! eh ! le smoking de Balaoo allait au Jardin des Plantes.

Coriolis s’était cru très fort en arrachant Balaoo à la mauvaise influence de la forêt et en transférant la demeure de l’anthropopithèque en pleine capitale ; mais il s’était montré grossièrement imprévoyant en lui faisant élire domicile à quelques pas de la fosse aux ours, de la cage aux singes et de celles des tigres du Bengale et du lion de Numidie. On ne pense pas à tout.

Et c’était toujours de ce côté, vers les frères animaux, que le conduisait, presque inconsciemment, sa rêverie, quand le cœur de Balaoo était triste, à cause des hommes.