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BALAOO

Il ne l’entendait certainement pas. De temps en temps, il reprenait : « C’est fini !… c’est fini !… On ne reverra plus Balaoo, on ne le reverra plus !… »

Gertrude aussi pleurait. À travers les divagations du maître, elle avait compris que son Balaoo avait fait quelque chose d’horrible.

Le jour les surprit tous trois dans le belvédère : ils étaient encore là à l’heure où la nature semble s’arracher des brouillards de l’aube, où les teintes grises opaques enveloppent les basses futaies, tandis que tout là-bas, dans l’horizon plus clair, on voit pointiller la cime chaude des grands arbres.

Et ils assistèrent, le cœur terrifié, au réveil de la nature. C’est le moment où la terre fume, où la brise tombe, où les fauves hument l’haleine de la terre qui les fait forts… Ah ! comme Balaoo l’avait aimée, cette heure-là !… Et que de fois Coriolis l’avait surpris, le nez dans les herbes fraîches, reniflant l’odeur âcre du matin ! Que de fois il avait dû le ramener presque de force, à l’étude où l’attendait sa dictée !… Pauvre Balaoo, qui avait tant aimé l’école buissonnière !… Comment se faire à l’idée qu’il ne devait plus être qu’un cadavre en pièces que ces brutes d’hommes qui se mettent mille contre un allaient ramener sur deux branches d’arbres, ne soupçonnait point quel miraculeux gibier ils avaient tué là !

Mais la pensée de Coriolis se transforma tout à coup à une réflexion de Madeleine.

— S’ils l’ont tué, disait-elle, on le saura bien. On reconnaîtra M. Noël !

Certainement ! Certainement ! il se trouverait bien des gens pour le reconnaître, et on allait bientôt venir lui demander à lui, Coriolis, des explications…