Page:Leroux - Balaoo, 1912.djvu/239

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
221
BALAOO

ses couteaux et courut dans la salle à manger, car Madeleine avait une vraie crise. Elle sanglotait, les coudes à la table, sa jolie petite tête blonde dans les mains, et l’on voyait ses épaules sauter sous le spasme.

— Mademoiselle !… Mademoiselle !… Mais qu’est-ce qu’il y a ? Seigneur Jésus !… C’est-y moi qui vous ai fait de la peine ?… Mais dites-moi quelque chose ?… Vous me faites peur !…

— Laisse-moi, Gertrude, laisse-moi !

— Plus souvent que je vous laisserai dans un état pareil, je vais appeler Monsieur !

— Non ! Non ! Gertrude, ne l’appelle pas !… là… c’est fini… c’est fini !…

— Pour sûr, il y a un malheur d’arrivé !

— Tais-toi avec tes malheurs. Quel malheur veux-tu qui soit arrivé ?… Il n’y a pas de malheur du tout ! Entends-tu, vieille bête !

— Je vous demande bien pardon, mademoiselle, fit Gertrude blessée dans son orgueil, et elle retourna à sa cuisine.

Elles restèrent là sans plus se dire un mot. La nuit s’avançait.

Gertrude alluma sa lanterne et se prépara à regagner sa soupente ; elle adressa un bonsoir attendri à Madeleine qui leva la tête et lui demanda de ne point la quitter de toute la nuit.

— Tu m’as fait peur avec tes malheurs, Gertrude !… Viens coucher dans ma chambre. On jettera un matelas par terre.

— Mais qu’est-ce qui se passe ? Seigneur Jésus !… Je ne vous ai jamais vu comme ça, mademoiselle !… Vous n’allez pas dire bonsoir à votre père ?