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BALAOO

Dix minutes, l’anthropopithèque fut plus immobile qu’une statue. Il regardait le docteur qui faisait semblant de dormir. Persuadé que le prisonnier dormait, il remua enfin avec des gestes prudents qui ne déplaçaient pas d’air ; calé sur son séant, il enleva ses chaussettes, son chapeau, son pardessus, son veston, son faux-col et sa cravate, sa chemise, son pantalon. Alors, comme au temps de la forêt de Bandang, il fut tout nu sous la lune. De docteur regardait les pieds de M. Noël. Un singe ! M. Noël était un singe ! Et ce singe parlait !

Pour ne point crier, il faillit avaler sa langue. Ah ! il n’y avait pas à douter, à cause des mains de pieds !… les mains de pieds avec lesquelles il se suspendait à la branche la plus proche et faisait balançoire, avec délices, la tête en bas, comme aux temps de la forêt de Bandang. Et puis, il lâchait tout et se trouvait suspendu avec ses mains de bras ; et balancez par ci, et balancez par là… et il se rattrapait au vol avec les mains de pieds et ainsi, à travers la clairière, il volait d’arbre en arbre, roi des trapèzes de la forêt, sous la lune silencieuse.