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BALAOO

— Et aussi pour le pendu ?

— C’est As qui t’a dit ça ?

— C’est bon pour toi de comprendre le langage des bêtes, Balaoo. Moi, je ne les comprends que lorsqu’elles ne parlent pas. Et il y en a bien qui me connaissent dans la forêt et qui se promènent sur mes genoux et nous nous comprenons sans parler. J’ai des amis dans la forêt. Tiens ! je n’ai qu’à me montrer du côté de la grande sapinière avec des noisettes dans les deux mains, et j’ai des écureuils jusque sur les épaules. Mais, ton ami As, je le méprise trop pour le fréquenter. Un soir que nous nous sommes rencontrés dans la cour de Mme Boche tous les deux, il a voulu me saluer, sous prétexte, bien sûr, qu’il nous avait vus ensemble ; je te lui ai envoyé une grosse pierre qui a bien failli lui casser la patte.

— Qu’est-ce que tu crois avec le pendu ? interrogea Balaoo, ennuyé.

— Je crois que tu l’as pendu comme tu as pendu Camus et Lombard, après leur avoir fait leur affaire. Ose dire que ce n’est pas toi ; j’étais là quand on les a dépendus. J’ai bien reconnu la place de ton long pouce. Un pouce comme ça, on appelle ça chez nous un pouce d’assassin. Moi, ça m’est égal, je t’aime comme ça. Aussi je n’ai rien dit à personne, quand on a accusé mes frères, et même quand ils ont été condamnés. Leurs trois têtes, tu vois, c’est rien à côté d’un sourire de toi, Balaoo… mais tu ne me souris plus jamais et tu te moques de moi toujours. Ta robe de l’Impératrice, je ne l’ai mise que pour que tu me trouves belle. Mais tu t’es moqué de moi, comme tout le monde…

« Et pourtant, tu ne sauras jamais ce que j’ai fait pour toi ! au moment de la mort de Blondel…