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BALAOO

vois très bien. Le ciel est tout rouge, tout rouge, éclatant comme lorsque le soleil se lève dans mon pays ! »

Balaoo ricana, car il connaissait les prétentions du général Captain. Cet animal, qui était, du reste, menteur comme un arracheur de dents, affirmait avoir vu autant de pays que Balaoo ; mais il était incapable de dire lesquels. Au fond, il n’avait un peu de bagout que parce qu’il se souvenait d’avoir entendu un loro (perroquet du Brésil) conter, chez l’oiseleur de Marseille où il avait échoué tout jeune, ses prouesses équatoriales. Balaoo le faisait toujours taire en lui disant : « Tais-toi, j’en ai connu, moi, des perroquets, dans la forêt de Bandang. Ils n’étaient point d’un vert-de-gris comme toi, mais ils avaient de l’incarnat aux ailes, et de l’azur à la tête, et de l’or au cou ! Tu ne sais même pas, général Captain, comment les mères-perroquets de la forêt de Bandang obtiennent de leurs petits de l’or au cou ! Eh bien ! mon vieux, c’est en les nourrissant avec des jaunes d’œufs. Il n’y a rien de meilleur pour l’or au cou. C’est avec ça que dans la forêt de Bandang on fait la couleur serin, général Captain ! » Le général alors se taisait, parce que tout le monde savait bien que Mlle Franchet ne le nourrissait point avec des jaunes d’œufs.

Balaoo montait donc dans l’arbre, inquiet de ce que lui avait dit le perroquet, rapport à l’incendie.

Le Grand Hêtre de la clairière de Pierrefeu était au moins quatre fois centenaire. Il était, à lui seul, un monde, une nature, un univers. C’était le plus bel arbre de la forêt, et il avait bien près de cinquante mètres de haut et plus de deux mètres de diamètre. Balaoo en avait le plus grand orgueil, bien qu’il ne manquât jamais de raconter à ses amis de la futaie qui lui en faisaient compliment,