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BALAOO

on prend quelque chose ! Or, Balaoo venait de prendre sans prévenir avec de l’argent. (Pour Balaoo, voler et prendre, c’est la même chose, et la question d’argent avant la prise de possession n’est qu’une question de politesse inventée par ceux de la race humaine qui ne veulent rien faire comme ceux des autres races). Donc, Madeleine ne serait pas contente !

Mélancoliquement, il s’était éloigné de la petite porte du fond du jardin et avait gagné la campagne.

Ah ! Balaoo a fait de beaux coups aujourd’hui ! C’est une journée qui compte ! Il doit être content de lui !… Eh bien ! non, puisque Madeleine a de la peine, Balaoo est triste.

Cependant, comme il ne peut rester toute la nuit sur la lisière des bois à gémir comme un enfant et qu’il est malsain de dormir à la belle étoile, il se lève pour rentrer dans le chez-lui de la forêt : dans son petit pied-en-l’air du gros hêtre de la clairière de Pierrefeu.

Tout cet enchevêtrement de charmes, de frênes, de gros chênes et de gros hêtres et toute cette collection bien droite de milliers de sapins, tout cela qui constitue les Bois Noirs, n’est qu’un pis-aller pour Balaoo, « comme qui dirait un parc » ; et, quand quelques-uns de ses amis des sous-bois, comme le renard As, par exemple, fait le malin avec sa charmille épaisse et protectrice, Balaoo a beau jeu de lui raconter des histoires de lianes géantes, en grondant de rire.

Ainsi, la dernière fois que l’autre est venu lui faire bonjour au gros hêtre, Balaoo ne s’est pas gêné : « As, tu n’es qu’un enfant qui vient de naître. Si tu avais vu comme moi, dans ma forêt de Bandang, les arbres à trois pieds (les mangliers) qui portent notre hutte sur l’eau épaisse