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BALAOO

M. Roubion, que poursuivait l’idée de se débarrasser de toute cette clique, cause de la tragédie, eut une idée :

— Il y a peut-être un moyen de nous sauver tous à la mairie. Là on serait à l’abri, montez avec moi dans le grenier à foin !

Ils le suivirent, grimpant un escalier de bois, dont la rampe était faite d’une corde graisseuse. « Surtout, pas d’allumettes ! » Ils étaient dans l’obscurité, se tâtant, se cherchant les uns les autres, trébuchant à chaque pas. Enfin, précautionneusement, la lucarne par laquelle on hissait le fourrage, fut ouverte par Roubion, et un coin de la nuit, moins noir que le grenier, se découpa dans l’ombre opaque. Ils avaient oublié Honorat. Personne ne savait ce qu’était devenu le docteur et nul ne s’en occupait.

Roubion se pencha à la lucarne. Il regarda dans la ruelle qui séparait l’auberge des derrières de la mairie.

— Les Vautrin ne s’imagineront jamais qu’on peut se sauver par ce chemin-là !… Et nous serons loin qu’ils seront encore à nous guetter aux portes ! fit-il à voix basse.

— Ça n’est pas une mauvaise idée, dit le Maire.

— Eh bien ! montrons l’exemple, dit Roubion ; il y a là une poulie et une corde, c’est tout ce qu’il nous faut !

Le Maire déclara que, comme un capitaine sur son navire, c’était lui qui devait partir le dernier. Mais on lui démontra que ce n’était pas « la même chose ». C’était même tout le contraire. C’est le premier qui allait risquer quelque chose. Si celui-là se sauvait, tout le monde était sauvé. Il se décida à l’aventure après avoir embrassé Mme Jules ; et c’est par ce chemin qu’ils sortirent tous de l’auberge, hommes et femmes. On devait en parler longtemps !