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BALAOO

campagnes, annonçant le drame, appelant du secours. Les voix féroces et cyniques des Trois Frères et la petite voix aiguë de la petite Zoé dominait tous les bruits. Avec un madrier dont ils se servaient comme de bélier, les Vautrin, maintenant, tentaient de défoncer la porte du cabaret, pendant que des tourbillons de fumée enveloppaient déjà le Soleil Noir.

Les femmes durent lâcher le docteur en sang qui, devant la mort, s’était défendu avec acharnement. Suivies des hommes, elles se précipitèrent dans la cour. On ne pouvait sortir de cette cour que par la grande porte cochère, sous la voûte. Et le chemin par là était bien fermé. Roubion ne cessait de crier : « Mais les pompiers ne vont donc pas venir !… » oubliant qu’il était lui-même capitaine des pompiers et que la pompe était à l’abri sous son hangar.

La bande entourait à nouveau le Maire et le sommait d’avoir, sur-le-champ, à la sauver de là. Et ils se seraient peut-être tous jetés sur lui comme ils l’avaient fait sur le docteur, si l’embrasement du ciel, dont toute la cour était comme enflammée, n’était tombé soudain, comme si on avait soufflé dessus !

Les bruits du dehors avaient cessé. Le tocsin s’était tu. On n’entendait plus les terribles coups de bélier contre la porte du cabaret. Ce calme subit, la nuit noire et tranquille surprirent tout le monde. On resta quelque temps sans parler, sans crier, car on ne savait que penser. Enfin, on entendit la voix du Maire qui disait : « Ils ont brûlé quelques bottes de paille pour nous faire peur et ils sont partis !… »

Mme Roubion pensa tout haut :

— Les gendarmes sont peut-être arrivés !…