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BALAOO

— Vous n’allez pas faire ça ?

— Non, je vais me gêner. Zoé, passe-moi les allumettes !…

Nouveaux cris, nouveaux hurlements dans le cabaret.

— Hubert !… Hubert !… Vous ne pouvez pas faire ça !… Il y a ici des femmes !… des femmes !… des jeunes filles !… (ceci pour Mlle Franchet qui a cinquante-six ans bien sonnés ! )

Mais la voix épouvantable d’Hubert remplit toute la rue. On a prétendu, depuis, qu’on l’avait entendu alors d’un bout à l’autre du village.

— Vous y passerez tous, et le notaire, et le pharmacien… et la femme du notaire, et la femme du pharmacien !… si vous ne nous livrez pas le docteur Honorat !… Donnez-nous l’Honorat, et tout sera dit, tout sera oublié !

Cette fois, le bandit parlait trop près pour n’être pas compris. Il sembla à Sagnier et à Valentin que sa voix se vrillait dans leurs oreilles pour y glisser les paroles tentatrices. Et, comme il y eut, dans le moment, une grande flamme qui illumina le vasistas, la peur et la lâcheté commencèrent leur œuvre et ils se ruèrent tous deux sur le docteur, loque affalée dans son coin. Ils n’eurent point de peine à entraîner avec eux les femmes qui déliraient déjà à l’idée d’être brûlées vives. Elles le déchiraient en le traitant de lâche, parce qu’il n’avait pas le cœur de les sauver tous en sacrifiant sa peau.

Derrière cette ruée, la devanture commençait à flamber. On entendit le bois crépiter, et toute la maison, par les vasistas, fut illuminée.

Dehors, il y eut encore des cris, des coups de feu ; et, soudain, lugubre, le tocsin sonna sur le village, sur les