Page:Leroux - Balaoo, 1912.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
139
BALAOO

donné de coups de couteau à personne, moi !… C’est bon pour les petits d’hommes qui n’ont pas de force dans la main » ).

M. Herment de Meyrentin, sur un ton qui fait loucher Balaoo. — Dans ce pays, pour les crimes, monsieur Coriolis, on ne se sert pas du couteau. On étrangle. Les doigts suffisent (Balaoo clapote des paupières et pense : « Pourquoi a-t-il dit ça » ?)

Coriolis, montrant la main de Balaoo. — Voilà une main qui ne ferait pas de mal à une mouche ! (Balaoo pense avec timidité et les yeux baissés, car il sait admirablement le faire à l’hypocrisie : « Tu tiens à ta mouche, mais moi qui ne ferais pas de mal à une mouche, j’étranglerais bien ce noble étranger » ).

M. Herment de Meyrentin, qui se souvient que son cousin illustre de l’Institut a toujours combattu le darwinisme avec des arguments un peu vieillots sur l’impossibilité de la reproduction indéfinie dans le mélange des espèces, ne veut pas partir sans lancer la flèche du Parthe : cela fera réfléchir cet imprudent Coriolis qui a déchaîné, sans s’en douter, tous les mauvais instincts de la forêt de Bandang dans la société civilisée des hommes et qui en sera puni avant l’heure de la soupe par l’arrestation de son anthropopithèque que M. de Meyrentin pense bien revenir chercher avec tous ses gendarmes.

M. Herment de Meyrentin, de sa plus belle voix de gorge. — Mes compliments, cher monsieur, vous n’avez plus maintenant qu’à le marier (et il a un gros rire infâme). Bientôt, il aura la majorité légale. J’espère que vous pensez déjà à la jeune fille qu’il conduira à l’autel ! Mlle Madeleine sera demoiselle d’honn…