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BALAOO

— Je vais servir le thé, annonce la voix musicale de Madeleine.

Le thé ! Balaoo, ébloui, rouvre les yeux… Madeleine lui passe une tasse et il remue le sucre dans l’eau odoriférante, du bout de sa cuiller de vermeil. Seulement, au moment de boire, comme il croit les regards détournés un instant de lui, il plonge rapidement une main dans le liquide et se suce les doigts à la mode anthropopithèque. Ça, c’est plus fort que lui !

Coriolis et M. de Meyrentin, qui parlent entre eux avec animation, n’ont pas vu l’abominable geste, mais Madeleine s’est aperçu de tout et gronde, à la muette, Balaoo, de son index qui menace. Balaoo, les yeux en coulisse, lui rigole, sournois. Puis, Coriolis le regardant à nouveau, il boit comme un homme et dépose sa tasse avec gentillesse sur le plateau.

Puis Balaoo croise les jambes, les balance avec une élégance négligente, se renverse avec des mines sur le dossier de son fauteuil et sourit d’une façon stupide. Tout à coup, M. Herment de Meyrentin se baisse et lui prend la main droite qu’il regarde avec attention.

— Mais ce ne sont point des mains de…

— Taisez-vous, coupe court Coriolis. Je vous ai dit de ne pas prononcer ce mot-là… et je vous ai déjà entretenu du travail auquel je me suis livré depuis dix ans… Avec l’épilation, et les pâtes et la patience, on arrive à tout. Regardez-moi son visage ; ne dirait-on point un Chinois ou un Japonais un peu tanné ? Qui croirait voir un quadrumane ? Vous pouvez vous servir de ce terme, il ne le comprend pas.

— Quadrumane ? Quadrumane… fait assez nerveu-