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BALAOO

avait ri devant le fond de culotte de l’anthropopithèque. Mais le demi-tour de Balaoo avait été si rapide et si effrayant que le rire de l’Homme en avait été cassé et que l’Homme, épouvanté, s’était jeté derrière la table.

— N’ayez donc pas peur, monsieur, fit Coriolis, il n’est pas méchant. Il ne ferait pas de mal à une mouche !

(— À une mouche, grognait Balaoo dans son for intérieur… à une mouche !… Va donc demander à Camus, le tailleur du Cours National, qui se moquait tout le temps de moi… va donc lui demander si je ne ferais pas mal à une mouche !)

Coriolis commanda :

— Viens ici, Noël !

Et comme Balaoo s’avançait, frémissant, Coriolis, à la noble barbe blanche, qui avait retrouvé son langage d’ami, donna à l’anthropopithèque une petite tape de sa dextre caressante sur la joue rageuse. Balaoo rentra ses canines et s’essuya le front avec son mouchoir. Il était temps. Encore un peu de plus, l’étranger l’aurait pris pour une brute.

L’étranger dit :

— C’est extraordinaire ! J’ai vu des singes dans les music-halls ! mais jamais… jamais !

Balaoo mit ses deux poings sur sa bouche pour empêcher le tonnerre qui gonflait sa poitrine de sortir.

Coriolis dit :

— Ne prononcez jamais devant lui ce mot-là !

— Lequel ?

— Singe !

— Ah ! Il comprend à ce point ?

— Eh ! regardez-moi la mine qu’il fait et dites-moi s’il ne comprend pas ?