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BALAOO

L’hypothèse de Patrice devait être juste car, arrivés à hauteur de la diligence, tout ce monde, dans l’ombre, se mêla. Et les chevaux, encore une fois, s’ébrouèrent, et La Gaule eut tant de peine à les maintenir qu’une voix, sur la route, lui demanda ce que ses bêtes pouvaient bien avoir pour se montrer aussi singulièrement indociles.

Michel ne répondit pas.

À un moment, Nestor se cabra en hennissant et les deux autres chevaux hennirent après lui et donnèrent tous les signes de la plus intense frayeur. Ils firent un écart et la diligence se mit presque en travers de la route. Patrice, les mains au garde-fou de fer, examinait toutes choses, autant que la nuit commençante le lui permettait.

Une terrible anxiété le gagnait en constatant le désarroi d’en bas.

Un groupe d’agents, sur l’ordre de l’un d’eux, se disposait à remonter dans la voiture, et le petit homme sec à la casquette allongeait déjà la main pour saisir la bride de Nestor, de plus en plus intraitable et hennissant, quand, brutalement, avec une furie sauvage, incroyable, tout l’équipage se précipita, bondit, vola sur la route au milieu des cris et des appels désespérés.

Les chevaux, ventre à terre, emportaient, comme si elle avait pesé une plume, la grande boîte cahotante de la diligence, loin, bien loin des agents qui couraient et s’essoufflaient en vain derrière elle et qui la perdirent bientôt de vue…

Croyant sa dernière heure venue, Patrice, qui avait toutes les peines du monde à se maintenir sur son impériale, les mains crispées à la barre de fer, se retourna vers Michel.

Il aperçut le dos du conducteur, si droit et si correct et