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BALAOO

santissement par une voix qui lui criait de la route :

— Ne dors pas, La Gaule !…

Du coup, Patrice eut les yeux ouverts, lui aussi ! La Gaule ! qui donc avait crié La Gaule ?… et à qui en avait-on ? Il se pencha au-dessus de la route et aperçut, près des chevaux, un individu qui était resté jusqu’alors dans la voiture, à toutes les côtes, et qui était l’un de ceux qui, le matin, l’avaient bousculé sur le marchepied au moment de faire entrer la petite valise lourde dans la diligence. C’était un petit gas sec, qui avait une casquette sur la tête et dont l’aspect correspondait assez bien au signalement qu’avait donné de lui Hubert Vautrin à ses frères, quand il leur parlait de la conversation du « petit et de La Gaule !… »

Le petit gas sec avait le nez en l’air et regardait, à demi-farceur, le conducteur de la diligence qui lui allongea, en douceur, son fouet dans les jambes.

Les yeux de Patrice allaient de la route au siège de la diligence.

— Quoi ? fit-il à Michel, avec une émotion qu’il ne cherchait même pas à dissimuler : c’est vous, La Gaule ?…

Michel ne répondait pas.

— Pardon, monsieur ?… C’est vous, monsieur La Gaule ?

Enfin l’autre se retourna :

— Qué qu’ ça peut vous faire ? Je m’appelle Michel Pottevin, mais ils m’appellent La Gaule, dans le pays. C’est un nom que la mère Vautrin m’a donné comme ça pour rigoler autrefois. On a dansé ensemble, quand elle avait des jambes, à plus d’une fête, à Saint-Martin. Maintenant elle n’peut plus. Paraît que dans son argot : La Gaule, ça veut dire : le conducteur. C’est peut-être à cause de mon fouet que ça veut dire ça… c’est vrai, j’ai toujours