Page:Leroux - Balaoo, 1912.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
88
BALAOO

On n’avait jamais vu dans la cour du Soleil Noir un pareil encombrement. Patrice n’eut point l’idée de s’étonner de cet afflux de voyageurs, ni de leur attitude singulière. Pour des gens du commun qui avaient fait le trajet de compagnie, n’était-il point incompréhensible qu’ils ne se causassent point ? Il y avait là des paysans qui portaient la blouse d’une façon bien embarrassée : par exemple, ils ne savaient point où trouver leurs poches, comme s’ils en avaient oublié la place. Enfin, ces rustres étaient de mine triste, tantôt pâle, tantôt jaune, mais ni rugueuse, ni rutilante comme sont les vraies mines des paysans morvandiaux.

Ils n’adressaient aucune question à Roubion qui, lui, les interrogeaient, et à qui ils ne répondaient que vaguement, en lui tournant le dos.

Roubion en était si intrigué qu’il s’en alla réveiller Mme Roubion, laquelle se mit à la fenêtre en camisole de nuit et bigoudis au front pour voir partir ces extraordinaires clients.

Patrice, qui s’était caché dans l’ombre de la salle, n’en sortit que pour monter dans la diligence. Quand il se disposa à prendre place, il fut effrayé de la foule qui remplissait la caisse, surtout qu’à ce moment se présentèrent encore deux voyageurs avec une petite valise qu’ils portaient tous deux et qui paraissait fort lourde. Ils introduisirent l’objet en même temps que leurs personnes dans la voiture et, événement plus inexplicable que le reste, les occupants ne protestèrent point contre l’arrivée de ce lourd bagage dans un espace déjà si bien rempli.

Patrice hésitait sur le marchepied. Mme Roubion lui cria :

— Montez donc sur l’impériale, monsieur Patrice !… Il fait beau !…