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parer et le prophète m’en récompensa. Plusieurs balles sifflèrent au-dessus de ma tête ; les Cosaques étaient descendus de cheval et couraient sur mes traces ; quand tout à coup devant moi, s’ouvre un précipice. Mon coursier hésite un instant, puis s’élance ; ses pieds de derrière glissent sur le bord opposé, il reste accroché par les pieds de devant ; alors j’abandonne les rênes et roule dans le précipice : ce fut le salut de mon cheval qui parvint à se replacer d’un bond. Les Cosaques avaient vu tout cela ; mais pas un d’eux n’osa se mettre à ma poursuite ; ils crurent assurément que je m’étais tué et je les entendis s’élancer pour prendre mon cheval. Mon cœur saignait ; je me mets à ramper sur l’herbe épaisse le long du précipice ; je regarde ; c’était la limite du bois. Quelques Cosaques entrent dans la plaine et bientôt mon cheval passe devant eux ; tous se jettent, en criant, après lui. Longtemps, longtemps ils le poursuivirent ; l’un d’eux, surtout, faillit deux fois jeter le lacet sur son cou ; je frémis, baissai les yeux et me mis à prier. Au bout d’un moment je regardai et je vis mon cheval qui volait, secouant sa queue et libre comme le vent :