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que nous appelons le bal. Un pauvre vieillard frappe sur un instrument, j’ai oublié comment on l’appelle chez eux ; nous le nommons, nous, une guitare à trois cordes. Les jeunes filles et les jeunes gens sont placés sur deux rangs, les uns vis-à-vis des autres et frappent dans leurs mains en chantant. Bientôt une jeune fille et un jeune homme s’avancent au milieu du salon et se disent l’un à l’autre des vers qu’ils chantent, tandis que le reste de l’assistance accompagne en chœur. Petchorin et moi étions assis à la place d’honneur ; soudain, la plus jeune fille de la maison s’approcha de lui ; c’était une jeune enfant de seize ans à peine ; elle lui chanta, comment m’exprimerai-je, une espèce de compliment.

— Vous souvenez-vous de ce qu’elle lui chanta ?

— Oui ! voici ce qu’il me parut entendre :

 
Nos jeunes gens sont bien faits
Et leurs vêtements sont brodés d’argent ;
Mais un jeune officier russe
Est plus svelte qu’eux
Et porte des galons d’or.
Il est au milieu d’eux
Comme un beau peuplier
Seulement il ne grandira point
Et ne fleurira point dans notre jardin.