Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bonds, les mêmes chansons étranges…

Vers le soir, je l’arrêtai près de la porte et j’eus avec elle la conversation suivante :

— Dis-moi, ma belle, que faisais-tu aujourd’hui sur le toit ?

— Mais, j’examinais d’où soufflait le vent.

— Pourquoi cela ?

— D’où vient le vent vient le bonheur.

— Comment ! est-ce qu’en chantant tu appelais le bonheur ? Mais si, contre ton attente, tu gagnais le malheur, en chantant ?

— Où l’on chante l’on est heureux. Où ne sera pas le mieux sera le pire, et de là au bien il n’y a pas loin.

— Qui t’a appris cette chanson ?

— Personne ne me l’a apprise. Je chante ce que j’imagine. Entendre quelqu’un, c’est l’écouter ; si l’on ne veut pas l’entendre, il ne faut pas l’écouter.

— Mais comment t’appelle-t-on, ma chanteuse ?

— Celui qui m’a baptisée le sait.

— Mais qui t’a baptisée.

— Pourquoi le saurais-je ?

— Quelle dissimulée ! Ah ! mais, voilà, je sais quelque chose sur toi (elle ne changea pas de vi-