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Lermontoff était petit, avait l’air gauche, les yeux rouges et les pieds assez mal tournés. Il était cependant fort vaniteux, jaloux surtout des succès mondains de ses camarades et il ne pouvait leur pardonner de réussir mieux que lui, se sentant une certaine supériorité intellectuelle ; aussi son caractère était-il empreint des inconvénients de ce travers : une susceptibilité outrée, une humeur railleuse et sarcastique devaient lui attirer les querelles et les duels dont le résultat lui fut si fatal.

Il servit d’abord aux porte-enseigne, puis aux hussards de la garde où il mena une vie fort dissipée et composa des poésies érotiques qui, par leur verve et leur facilité, séduisirent tous ceux qui les lurent. Un duel qu’il eut avec M. de B…, à la suite d’une querelle insignifiante, lui valut son envoi au Caucase, pays où il avait passé une grande partie de sa jeunesse et pour lequel il eut toujours une prédilection marquée. C’est là qu’à dix ans, il s’était épris d’une jeune fille dont le souvenir resta toujours gravé profondément dans son âme : il assurait à vingt cinq ans qu’il n’avait réellement aimé que cette fois. C’est en écoutant les récits naïfs, pleins