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SOUS BOIS

— Pourquoi pas l’oratrice ? fit Marie-Antoinette, qui n’était pas encore bien remise de sa petite mortification.

— Pourquoi pas aussi l’orateuse ? lui dit Geneviève.

— Dame ! puisque les femmes, comme dit papa, veulent se mêler de faire ce que les hommes faisaient seuls autrefois, il faut avoir d’autres noms pour elles.

— Tu crois que les femmes ne pourraient pas être aussi bons orateurs que ces messieurs ?

— On ne leur a jamais reproché d’être muette, riposta Marie-Antoinette.

— Peu nous importe le mot, dit Élisabeth qui était assez pratique, orateur, orateuse, ou oratrice dis-nous ce que tu avais à nous dire.

— Vous mériteriez que je me fasse prier maintenant pour vous punir de m’avoir taquinée, mais je suis bonne enfant, et voici mon idée : nous allons toutes, tant que nous sommes, chercher chacune un joli projet d’amusement. Cela en fera cinq à mettre à exécution.

— Comment ? quoi ? ce n’est pas une idée ça !…

— Comprenez-moi donc mieux ! nous avons un grand château, un parc, mille jeux connus, et nous ne nous amusons pas précisément.

— D’accord.

— Moi d’abord, je m’ennuie carrément, déclara Marie-Antoinette. Passe encore si le château de l’Oncle était près d’Uriage et qu’on nous y menât souvent. Uriage, c’est gai, c’est joli, on dirait un petit décor de théâtre, une boîte de joujoux de Nuremberg. On y danse, on s’y amuse, il y a un casino, on y voit des toilettes et des gens chic, on est vu !… mais ici, c’est pire qu’un couvent.