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L’ONCLE BARBE-BLEUE

haut du mont. Il glisse insensiblement de l’autre côté et disparaît. Et voilà le ciel qui passe par tous les tons de la gamme du rouge, jusqu’à ce que, tout d’un coup, la vallée se trouve plongée dans l’obscurité, tandis que les sommets restent baignés de lumière. Puis, tout se fond dans des nuances violacées qui deviennent bientôt grisailles, et enfin blanchâtres, et le crépuscule descend sur la terre.

Alors, Valentine se retourne subitement. Mais comment se fait-il que ses compagnes ne l’aient pas encore découverte dans sa cachette ? Est-il possible qu’elle se soit absorbée dans la vue de ce spectacle magique à un tel point qu’elle en ait oublié toute notion du temps ? Vraiment, c’est plus beau qu’une féerie du Châtelet…

La petite fille, toute frissonnante, saute du tabouret sur lequel elle s’était juchée et s’apprête à sortir. Puisque ses cousines ne l’ont pas trouvée, il est de bonne guerre de sortir inaperçue, et de retourner au but en gardant pour soi le secret de sa cachette.

Mais en voilà bien d’une autre : il n’y a pas moyen d’ouvrir la porte.

Valentine croyait n’avoir fait que la pousser et il se trouve qu’elle est fermée à clef.

Jérôme, le palefrenier, avait donné un tour de clef en passant, sans se douter qu’il y eût quelqu’un dedans, et Valentine, toute à sa contemplation, n’avait rien entendu. Elle croit d’abord à une plaisanterie de ses cousines. Elle ne doute pas que les fillettes ne soient là, cachées, toutes prêtes à se moquer de ses frayeurs. Elle feint de rire ; elle tapote un petit air de sa composition, chantonne, bien décidée à être gaie et de bonne humeur :