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L’ONCLE BARBE-BLEUE

défauts, Valentine exagérant les siens de peur de sembler hypocrite, n’avait laissé voir de son caractère que les piquants. Qui donc pouvait deviner que sous ces dehors peu gracieux se cachait un petit cœur d’or ; que ces petites mains rouges ne demandaient qu’à se dévouer au service des autres ; que, loin du foyer paternel, cette petite figure pâle était comme congelée, qu’il lui fallait, pour la dérider, un peu de bonheur à distribuer autour d’elle, des caresses à donner et à recevoir ? Mlle Favières même s’y trompait presque, malgré sa perspicacité, et quoique la petite scène d’adieux de la gare lui eût fait juger Valentine très favorablement au premier abord.

Ajoutons à la décharge de la fillette que, comme l’avait dit son frère, elle était fatiguée par une croissance trop rapide ; cela expliquait un état nerveux qui la rendait plus impressionnable que ses cousines. Elle avait des timidités qui faisaient rire aux larmes Geneviève élevée en garçon. Et, petite Parisienne qui ne connaissait la vie champêtre que par quelques parties de campagne, elle montrait des étonnements inquiets qui amusaient énormément ces demoiselles. Marie-Antoinette en avait bien d’autres, mais, soit respect de ses belles toilettes, soit parce que son petit orgueil la rendait invulnérable, on avait vite cessé de la taquiner sur ce sujet. Avec Valentine qui ripostait mal et qui souffrait, c’était bien plus amusant. Qu’on avait donc ri le jour où elle s’était laissé sans méfiance fourrer dans le cou et dans les bras ces épis d’herbe qui semblent « grimper » comme des bêtes vivantes ! sa sensibilité exagérée la faisait crier comme sous l’empire d’une véritable douleur, tandis que les autres considéraient ce petit chatouillement comme un jeu. Une piqûre de cousin la mettait hors d’elle, aussi la traitait-on de douillette ; et on ne lui épargnait pas