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L’ONCLE BARBE-BLEUE

ajouta Lolo au moment où le train s’ébranlait pour partir. « C’est très mal de nous laisser rôtir à Paris par cette chaleur !… »

Élisabeth et Charlotte, à genoux sur la banquette, de chaque côté de Valentine, et Geneviève, haussée sur la pointe des pieds pour regarder son père par dessus l’épaule d’Élisabeth, répondaient de leur côté :

« Adieu maman… Adieu petit père !… adieu tous. »

Ce qui n’empêchait pas que tout le monde s’y reconnût très bien dans ce croisement d’adieux.

Mlle Favières, debout derrière Valentine, complétait par son fin visage expressif le joli tableau formé par ces quatre petites têtes encadrées dans la portière. Elle aussi considéra longuement les parents de ses nouvelles élèves. Un rayon de soleil, filtrant à travers la toiture vitrée de la gare, les illuminait tous. Il faisait étinceler les galons du capitaine, mettait comme une auréole d’or au front des lycéens, et changeait en diamants les perles de jais du chapeau de la bonne Mme Maranday, dont la figure un peu commune était transfigurée par l’émotion.

Tous adressèrent aux voyageuses des signes amicaux jusqu’à ce que le train se perdît au loin, et, faute de mieux, la pauvre miss Dora agitait frénétiquement son ombrelle, quoique sa maussade petite élève ne fût pas à la portière.

Toujours étendue dans le coin où elle s’était jetée en arrivant, son petit pied battant violemment une mesure précipitée, tandis que ses sourcils froncés et sa lèvre inférieure mordillée par de petites dents blanches, témoignaient d’une mauvaise humeur persistante, Mademoiselle Marie-Antoinette de Montvilliers n’était rien moins qu’angélique malgré sa robe blanche et ses yeux bleu de ciel. C’est à peine si elle consentit à