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LES NIÈCES

Élisabeth et Charlotte tenaient leur mère étroitement embrassée. Celle-ci leur faisait force recommandations typiques :

« Soyez sages, ne vous disputez pas, ne vous donnez pas d’indigestions !… Écrivez-moi sans faute deux fois par semaine ! »

Le capitaine, toujours obligeant, prêtait son concours à Mlle Favières, pour ranger dans le filet du wagon les menus paquets que la pauvre Miss Dora lui tendait. Mlle de Montvilliers, nonchalamment étendue dans un coin les regardait faire sans qu’il lui vînt à la pensée de les aider. Elle était de plus en plus boudeuse, et sa jolie figure en était très enlaidie.

« En voiture, messieurs les voyageurs ! en voiture ! » criait le conducteur en poussant successivement les portières de chaque compartiment.

Geneviève disparut tout entière dans les bras du bon capitaine.

« Adieu, petit diable rose, amuse-toi bien, ne tracasse pas trop ton vieil oncle, et ne te casse ni bras ni jambes… Vous veillerez sur elle, mademoiselle Favières, je vous la recommande. »

Et il sauta prestement à bas du wagon, que la smalah des Reynard aurait aussitôt envahi, s’il n’y eût mis bon ordre.

Valentine, montée la dernière, et rouge encore des embrassades de ses quatre frères, se retenait bravement de pleurer. Debout devant la glace baissée, elle s’apprêtait à agiter son mouchoir selon l’usage traditionnel, en attendant qu’il lui servît à essuyer ses larmes, tandis que les lycéens brandissaient leurs képis comme autant de drapeaux, et criaient déjà à tue-tête :

« Adieu, adieu, bon voyage, Titine !… »

« Dis à l’oncle Cousu d’or qu’il nous fasse venir aussi »,