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L’ONCLE BARBE-BLEUE

Cependant, l’heure s’avancait et Mlle Marie-Antoinette de Montvilliers n’avait pas encore fait son apparition. La question des bagages était résolue, et nos voyageuses prêtes à passer sur le quai, lorsque Mlle Favières, en allant jeter un dernier regard sur la cour d’arrivée, aperçut une voiture de maître qui entrait à fond de train. Elle reconnut aussitôt le fameux coupé « bouton d’or » dont la renommée était parvenue jusqu’à elle, mais elle chercha vainement l’élégante Mme de Montvilliers, ou le « gentleman » des plus corrects qu’elle comptait voir avec cette dernière fillette. La voiture ne contenait que deux personnes : une gouvernante à cheveux jaunes et une petite fille très rouge et très excitée qui parlait et gesticulait violemment. Même sans savoir l’anglais, il était facile de deviner la cause de cet accès de colère. Mlle Favières, qui possédait à fond cette langue, sourit en entendant l’enfant reprocher à sa gouvernante de l’avoir mise en retard. Elle s’approcha vivement et lui posant la main sur le bras :

— Il est inutile que vous alliez dans la salle d’attente, lui dit-elle, vous êtes Mlle de Montvilliers, n’est-ce pas ?

Aôh ! vous êtes la mademoiselle Favières, s’écria la gouvernante avec un accent des plus prononcés.

— Je suis l’envoyée de M. Isidore Maranday, répondit Mlle Favières, mais il faut nous hâter, le temps presse.

— Là ! je vous le disais ! s’écria Marie-Antoinette de plus en plus irritée, c’est votre faute, Miss Dora, vous n’en finissiez pas de me coiffer.

— Oh ! mademoiselle, balbutia la pauvre gouvernante, vous savez bien que c’est vous qui ne vouliez pas vous lever !

— Tiens, est-ce une heure, de se lever à sept heures !…