Page:Lermont - Les cinq nièces de l'oncle Barbe-Bleue, 1892.pdf/27

Cette page a été validée par deux contributeurs.
25
LES NIÈCES

depuis la veille à Paris, où elles n’avaient fait que de courtes apparitions à deux ou trois époques de leur vie, et tout ce qu’elles voyaient les remplissait d’étonnement. Cette gare immense, ce tohu-bohu des voyageurs les ahurissaient.

Petites et maigres, vêtues avec une simplicité monacale qui ne les avantageait pas, elles montraient des mines effacées sous leurs petits chapeaux de paille portant pour tout ornement un gros nœud marron chiffonné sans goût. Leurs cheveux d’un blond terne, plaqués sur les tempes, tombaient droits en une seule natte attachée par un ruban brun. Avec cela, les mêmes petits nez camards, la même bouche largement fendue et les mêmes yeux gris-bleus de leur mère. On eût dit deux réductions photographiques de la même personne, prises à un an de distance. Leurs robes beiges semblaient taillées dans une vieille robe de Mme Maranday et cousues par elle, et il n’était pas jusqu’à leurs rubans qui ne fussent fripés comme s’ils eussent déjà servi. L’éducation des trois frères coûtait cher et on économisait sur la toilette des enfants. La mère n’était pas beaucoup plus élégante avec sa robe tout unie, ses bandeaux plats et sa petite capote perlée.

Les fillettes ouvrirent de grands yeux lorsqu’à huit heures précises, heure militaire, le capitaine fit son apparition avec la pétulante Geneviève. Les changements de garnison n’avaient jamais assez rapproché l’officier du magistrat pour que leurs enfants se connussent intimement. Quoique Orléans ne fût pas à une grande distance de Caen, les petites Maranday n’avaient pas vu leur cousine depuis deux ans, et à cet âge, deux ans semblent une éternité. Qu’elle avait grandi ! c’était à peine si on la reconnaissait !…

Avec sa robe d’andrinople rouge, son petit béret posé de