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L’ONCLE BARBE-BLEUE

semblaient des arbres de pays fantastiques, aux énormes fruits. On avait installé des chevaux de bois sur une pelouse, organisé des jeux de toutes sortes dans un coin du parc, et cinq petites boutiques garnies de mille objets tentants, attendaient les cinq cousines, petites marchandes improvisées. On devait vendre au profit des pauvres, à quiconque parmi les invités, voudrait participer à cette fête de charité, tandis que l’on donnerait à tous les déshérités du sort.

M. Maranday, qui avait parfois des idées fort drôles, avait monté pour Charlotte une boutique où tout ce qui se mange était largement représenté, en lui recommandant bien de ne pas manger son fonds. Geneviève avait une loterie où l’on gagnait à tout coup. Élisabeth, des objets utiles, parmi lesquels force tirelires, et Marie-Antoinette, des fleurs et des colifichets, brillants comme elle, fragiles et futiles. Valentine et Luis, unis comme toujours, avaient une provision inépuisable de bonbons et de joujoux. C’était si doux de faire tant d’heureux ! Luis, à demi caché par le comptoir, n’était plus embarrassé de sa personne. Il rayonnait. Placé en face de la grille, il regardait tous les arrivants avec une persistance singulière chez un « sauvage » comme lui, qui, d’ailleurs, ne connaissait personne.

Les invités entraient en foule dans des calèches découvertes : luxueuses fillettes, garçonnets bien découplés sur leurs bicyclettes, enfants simplement vêtus, arrivant qui à pied, qui dans des équipages modestes, et enfin, les protégés de Valentine, reconnaissables à leurs gais sarreaux, cachant des habits plus ou moins neufs, et les mettant, eux aussi, en tenue de fête.

« Voyez si je n’ai pas eu une bonne idée », disait Valentine, en les saluant d’un petit signe de tête amical.