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UN JOUR DE BONHEUR

quand il avait enfin compris la vérité. Ils sont seuls toute la journée, ils n’ont ni livres, ni joujoux… et point de Valentine, ajouta-t-il avec un serrement de mains attendri et un regard de reconnaissance.

— Il me semble qu’il y a au grenier, bien des livres et bien des jouets, insinua Valentine.

— Et que leur place n’est pas là, n’est-ce pas ? dit Luis, la comprenant à demi-mot.

— Nous pouvons faire tant d’heureux avec si peu !… Même les joujoux cassés, avec quelques raccommodages, sont encore très amusants. Maman nous a enseigné à ne jamais rien laisser perdre. Toutes nos soirées du mois de décembre se passent très gaîment à rafistoler les vieilleries accumulées dans les armoires. Mes frères collent, repeignent, clouent, inventent même de toutes pièces de nouveaux jouets. Maman et moi taillons et cousons dans les vêtements hors d’usage.

— Et que faites-vous de tout cela ? demanda Luis.

— Oh ! c’est bien plus vite distribué que fabriqué ! Il y a tant d’Œuvres de charité, sans compter les hospices d’enfants malades !… Enfin, ma mère vient en aide à plusieurs pauvres familles. Et notre grande récompense a toujours été de la suivre dans ses visites aux nécessiteux.

— Comme moi maintenant, de vous accompagner, murmura Luis.

Bientôt, les infirmes des environs de Rochebrune apprirent à considérer Valentine et Luis comme une bénédiction répandue sur leur triste existence. La chaise roulante du jeune créole était toujours chargée à leur intention : tantôt une poupée, un abonnement à un journal d’enfants pour la bossue ; des petits instruments de musique pour l’aveugle ; une boîte de couleur