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L’ONCLE BARBE-BLEUE

acceptait plus volontiers cette sympathie enfantine que la pitié de personnes plus âgées. Il ne fut pas apprivoisé en un jour. Il était ombrageux, susceptible, aigri par la souffrance, parfois envieux, lui, pauvre infirme, de la belle santé de ses cousines.

Souvent, ses tristesses le reprenaient, mais un regard de Valentine, qui avait acquis sur lui une influence extraordinaire, le calmait instantanément. L’ingénieuse sollicitude de son amie découvrait toujours de nouveaux sujets d’intérêt ou d’amusement. Elle avait fini par persuader à Luis qu’il leur était devenu indispensable. Aucun travail ne se faisait plus sans ses conseils, aucun jeu sans sa sanction.

C’est ainsi que Luis avait fini par être de toutes les promenades. La chaise roulante de l’infirme était si commode pour y déposer les châles de ces demoiselles ou leurs bouquets, et on avait un tel besoin de savoir sur l’heure le nom de toutes les fleurs qu’on cueillait en route. Qui mieux que Luis pouvait les renseigner ? Il était si fort en botanique. D’ailleurs, avoir Luis n’impliquait-il pas la présence de l’oncle, un savant en sciences naturelles ? Ces demoiselles s’étaient prises tout à coup de passion pour la minéralogie et l’histoire naturelle. Toutes commencèrent une collection, qui, de papillons, qui, de coléoptères aux élytres brillantes, et nombreux furent les silex rapportés en triomphe comme pierres précieuses.

À ce régime, les joues creuses de Luis se remplirent et ses yeux prirent un éclat moins fiévreux. Chacune de ces demoiselles, voyant son talent pour le dessin, lui demanda en grâce une aquarelle, comme souvenir de leur séjour à Rochebrune. Ce fut un prétexte de plus pour rester au grand air, selon l’ordonnance du médecin.