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L’ONCLE BARBE-BLEUE

— Parce que mes bons parents et mes chers frères sont à Paris, et que je ne suis jamais heureuse loin d’eux.

Fausse manœuvre. Le visage de Luis se contracta.

— Vous les reverrez bientôt, dit-il brusquement, moi je ne reverrai jamais les miens, et je ne suis qu’une ruine. Partez Valentine, je veux être seul !…

Valentine insista.

Lui pressant doucement la main :

— Il faut bien que vous me permettiez de rester ici, lui dit-elle, car je me suis fait punir à cause de vous. Je suis en prison maintenant. Où irais-je, Luis, si vous me renvoyiez ? Causons encore, voulez-vous ?

L’enfant ne répondit pas. Valentine poursuivit :

— J’ai tant de sympathie pour vous, si vous saviez ?

— Personne ne m’aime !

— Laissez-vous aimer, s’écria Valentine, et vous ne manquerez pas d’amis. Rien qu’ici, nous sommes cinq qui ne demandons qu’à vous rendre heureux. Quant à moi…

— Vous auriez de l’amitié pour moi, vous ?

— J’en avais avant de vous connaître, et j’en ai cent fois plus à présent que je vous ai vu. Mes frères me manquent tant ! Voulez-vous être mon cinquième frère ?

— À quoi bon, vous ne resterez pas toujours ici.

— Je pourrais vous emmener avec moi à Paris, s’écria Valentine, emportée par son désir de consoler Luis. Ma mère est si bonne, elle vous gâterait bientôt plus que nous, parce que vous avez plus besoin d’affection. Et mon père ! il vous apprendrait à peindre comme lui.

— Il est artiste ? demanda Luis, visiblement intéressé.

— Oh ! je crois bien ! Il a un grand talent, répondit Valentine avec un soupir.