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L’ONCLE BARBE-BLEUE

— Pauvre prisonnier ! s’écria Valentine. Mais maintenant, vous n’êtes plus seul, car je suis prisonnière aussi.

Et elle lui raconta comment elle avait encouru la disgrâce de l’Oncle en voulant le délivrer.

— Mon père ne pourra pas vous en vouloir longtemps, dit l’enfant.

Votre père !

— Eh bien, ne saviez-vous donc pas qui j’étais ?

— Comment ! vous êtes le fils de l’oncle Maranday !

— Mais oui, et par conséquent je suis votre cousin, Mademoiselle ?… vous savez que j’ignore votre nom, quoique je vous connaisse bien de vue.

— Je m’appelle Valentine.

— Et moi, Luis… Eh bien ! pourquoi restez-vous silencieuse ? est-ce mon nom qui vous déplaît ?

Et ombrageux, susceptible :

— Vous voyez bien qu’on ne peut pas m’aimer longtemps, et que j’ai raison de rester caché ! voilà déjà que je vous ennuie.

— Quelle idée !

— Alors, pourquoi vous taisez-vous, ma cousine ?

— C’est que je ne comprends pas pourquoi l’Oncle s’est montré si dur pour son fils.

— Mon père est le meilleur des pères ! s’exclama Luis avec un éclair dans les yeux.

— Et pourtant, il vous tient enfermé.

— Mais ce n’est pas lui.

— Qui donc alors ?

— C’est moi qui ne veux pas sortir. Est-ce qu’on se montre aux gens quand on est un objet de pitié ou de dégoût ? Oh ! je hais tout ce qui est beau ! s’écria l’enfant sauvagement, tout ce