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COUPABLE

Et il l’embrassa sur le front…

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Il serait presque impossible de dépeindre l’émoi dans lequel M. Maranday, emmenant Valentine comme une prisonnière, avait laissé la salle d’études. Mlle Favières l’avait suivi de près en recommandant à ses élèves de méditer sur les conséquences funestes de la désobéissance. Les fillettes consternées n’avaient pas besoin de la recommandation.

« Que va-t-il faire de Valentine ! » se disaient-elles effarées.

Et toutes les bizarreries de cet oncle qu’elles connaissaient si peu leur revenant à la mémoire, les voilà qui se montent la tête.

Qu’était-ce que toute cette histoire de prisonnier, à laquelle elles n’avaient pour ainsi dire rien compris ? Geneviève dut recommencer, avec toutes ses circonstances, le récit de son excursion au grenier, et Charlotte, un peu rassurée par l’absence de l’oncle, finit par avouer sa participation. Les deux autres les bombardaient de questions. Avec cette insistance particulière à l’enfance, les fillettes tournaient dans le même cercle, ressassant à satiété les détails que nous savons. Leur terreur allait toujours croissant. De déductions en déductions, l’oncle Cousu d’or leur apparaissait non plus comme un nabab, mais comme un nouveau Gille de Rais, — celui qui devint le Barbe-Bleue de la légende, — un Ogre, qui attirait chez lui les petits enfants pour les dévorer, ou tout au moins pour les torturer. Qui sait si ce vieux château ne recélait pas des oubliettes.

« Jamais plus je n’irai quelque part sans ma maman, » geignit Élisabeth toute tremblante.