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L’ONCLE BARBE-BLEUE

ment ses œufs, les battre et les verser avec précaution dans la poêle que Jean tenait au-dessus de la flamme. Hélas ! dans sa précipitation, au moment où elle la servait, elle l’envoya rouler dans le feu.

— À mon tour maintenant, dit Élisabeth empressée.

Cette fois l’omelette fut brûlée.

— À moi, s’écria Charlotte, ne doutant de rien. Dorée, cuite à point, superbe, fut son chef-d’œuvre. Par malheur elle avait oublié le sel.

Pour Marie-Antoinette, faute de l’avoir battue, elle obtint une omelette dure, où l’albumine de l’œuf coagulée formait comme de petits cailloux blancs dans un océan jaunâtre. En revanche, sa jolie robe reçut une tache qui la perdit à tout jamais.

Vint enfin le tour de Valentine. Elle tremblait quoi qu’elle en eût fait si souvent pour ses frères… Ô bonheur !

— Jamais Joséphine ne nous en a fait de meilleures, déclara son oncle, et Mlle Favières ajouta :

— Valentine est un vrai cordon bleu.

On lui décerna donc le prix à l’unanimité. Et elle dut refaire successivement trois omelettes pour satisfaire tout le monde.

Après quoi, on découvrit sous la cendre d’exquises pommes de terre, que Mlle Favières y avait déposées, puis M. Maranday fit griller sur les charbons ardents des biftecks qui furent trouvés délicieux, et enfin, un pâté de foie gras glissé dans le coffre de la voiture par un oncle prévoyant, en compagnie de gâteaux, de fruits et de biscuits, termina dignement ce déjeuner mémorable.

Je laisse à penser si l’on s’amusa ! Le café, fait sur les restes mourants du feu de M. Maranday, fut déclaré parfait. C’était