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L’ONCLE BARBE-BLEUE

mène une vie très retirée. Dame, il y a à faire dans une maison quand on n’est pas riche et qu’on a cinq enfants. Tout le monde s’en mêle, je crois, car dans leur petit appartement au cinquième étage, il n’y a pas même de bonne, et j’ai vu la petite fille, escortée d’un des garçons, faire des commissions pour sa mère à son retour de classe. Ses frères vont la chercher à tour de rôle. Bien gentils tous les cinq, M. Maranday ! Si vous les aviez vus avec leurs jerseys et leurs bérets bleus, vous auriez pu en être fier. Ils sont tous très travailleurs. Solides avec cela, de beaux gars bien découplés, de fiers gaillards pour défendre la patrie, allez !…

— Abrégeons, je vous prie, dit M. Maranday les sourcils froncés.

« Du diable si je comprends pourquoi cela a l’air de le contrarier, » pensa le notaire, « qu’y a-t-il là-dedans qui puisse froisser un parent ? »

Il reprit :

— Votre oncle paternel avait deux fils. L’un de vos cousins, Charles Maranday, est à Orléans dans la magistrature : intelligence moyenne, fortune moyenne, femme quelconque, quatre enfants, dont deux fillettes banales. Les garçons font leurs études tant bien que mal. Tout est moyen dans cette famille, comme je vous le disais à l’instant ; les fils n’ont jamais pu remporter que des prix de gymnastique. Ah ! Ah ! Ah !

La même contraction énigmatique plissa le front de M. Maranday.

« Décidément, c’est à n’y rien comprendre, » se dit le notaire.

— Votre autre cousin, Alphonse, est en garnison à Caen, ajouta-t-il tout haut. Celui-ci est capitaine, et veuf depuis long-