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UN PIQUE-NIQUE

— Tu as bien réussi !

Et les voilà reparties à rire ; mais elles riaient jaune, comme on dit vulgairement, car elles avaient grand’faim, et la perspective de se nourrir uniquement d’œufs ne leur souriait point.

— Si seulement nous étions à Rochebrune, dit Valentine, il y a cinquante-trois recettes pour accommoder les œufs, mais encore faut-il avoir quelque chose à y ajouter, et ici, nous n’avons que du beurre.

— Vas-tu pas nous faire un cours de cuisine ? interrompit Marie-Antoinette en haussant les épaules, pour moi j’aime mieux, me passer de dîner que de m’occuper de ces insupportables œufs.

— Elle a peur pour sa belle toilette, dit Geneviève à demi voix.

— Et quand ce serait ! fit-elle rageuse.

— Notre beau feu ne durera pas longtemps, dit Mlle Favières, je vous engage à en profiter sans plus tarder, quelle que soit votre façon d’utiliser vos œufs. Avec les simples ressources dont nous disposons, que vous nous les donniez à la coque, brouillés, pochés, sur le plat ou, tout bonnement, sous la cendre, ne perdez pas de temps. Mais comme on n’arrivait pas à s’entendre, chacune tenant absolument à son omelette :

— Instituons un concours, proposa Mlle Favières.

— Un concours d’un nouveau genre, dit M. Maranday ; je promets un prix à l’œuvre la mieux réussie.

Les petites cuisinières se précipitèrent sur les tabliers qu’une domestique attentive avait mis dans chaque bourriche. On faillit se battre pour savoir qui commencerait. On tira au sort. Geneviève eut la priorité : il fallait la voir casser grave-